La Grande Parade des Satyres
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 Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes

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Sol
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MessageSujet: Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes   Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes EmptyLun 25 Déc 2023 - 13:03



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Snakes and Angels





Feat Pan




 
Il avait merdé.

Il avait même salement merdé.  Il ne prit pas la peine de corriger son langage d’une insolence exemplaire. Il aurait tout le temps de se flageller plus tard.

En fait non. Pour être juste, il se corrigea en s'administrant la gifle mentale la plus spectaculaire qu'il eût vécu depuis cette misérable épée. Pour être juste, il était même certain que si Dieu avait encore même la décence de venir leur donner des directives en personne, son seigneur l'aurait félicité à genoux pour avoir réussi un exploit qui l'aurait même surpassé. Voilà à quel point il avait merdé.

À présent il blasphemait. Il avait réellement touché le fond.

 

Aziraphel se réajusta pour la 791 ème fois en une heure sur le tabouret bancal de ce pub miteux.

Il passa avec nervosité sa main dans ses boucles dorées, certain que ses cheveux ne pourraient jamais être aussi graisseux que ce soir-là. Il ne pleuvait même pas dehors. Crowley lui-même aurait sans doute pensé que la scène manquait de dramatisme. À ce visage qui fit surface à la lisière de son esprit, il précipita son front contre le comptoir en bois de ce qui devait faire office de bar. Le choc angélique ne produit même pas la moindre onde dans les liquides ambrés entamés qui y végétaient depuis Dieu seul savait quand.

 

Le léger bruit amorti par le bois poreux ne réveilla même pas les derniers clients, avachis contre les murs colorés, un filet de salive ruisselant de leurs bouches béantes à leurs mâchoires couvertes d'hématomes. Leurs ronflements avaient sûrement couvert le heurt. Sans doute. Mais qu'est-ce qu'il foutait là de toute façon bordel? Si un visage dans le saint livre devait apparaître aux côtés du verset pour décrire la plus grande connerie jamais faite, ce serait le sien.


══════⊹⊱❖⊰⊹══════

-Hmff.. putain.

 

Et l'injure était sortie de sa bouche, sonnant si clairement dans le petit habitacle de sa Bentley. Il se réajusta, essayant d'étirer ses jambes dans le petit espace qui était consacré aux pédales mais rien n'y faisait. Aucune position n'était confortable. Aucune. Putain. De. Position. Ni ici. Ni ailleurs. Nulle part. Il n'y avait plus rien pour lui. Le pire c'est qu'il n'avait même pas regagné son appartement, même après la nomination de Shax. Et lui était toujours coincé dans sa voiture. OH il adorait sa Bentley presque aussi vieille que lui, mais il ne la supportait plus et elle non plus d'ailleurs. Les légers ronronnements du moteur grondaient en protestation chaque fois qu'il osait étendre ses jambes sous le capot.

 

Et ses plantes. Ah ses plantes.

Elles n'avaient plus peur de lui à force, elles envahissent l'espace étroit comme une jungle enfermée dans une boîte. Voila des lustres qui ne leur avait pas donné des avertissements cinglants, mais il ne voulait pas qu'elles grandissent et prennent racines sous les fauteuils.

Si Aziraphale avait-

À peine son nom effleura son esprit que Crowley donna un large coup sur le volant, l'attrapant à deux mains. Ses doigts se serraient sur le cuir noir à en blanchir ses phalanges, son visage se crispa. Si l'angelot pensait qu'il ne l'avait pas remarqué, il se trompait lourdement. Sa présence sur terre ne passait pas inaperçue pour lui, ou qu'il soit. 6000 années à le trouver.

L'iconique Bentley était garée à ce pub, le résurrectionniste. Là où toute cette sombre histoire avait commencé. Il le savait à l'intérieur. Agité, les doigts de Crowley tapotaient sur le volant. Ses jambes rebondissaient contre le fauteuil et il surprit un léger tremblement de sa paupière. Depuis ce dernier regard qu'Aziraphale lui avait lancé avant de monter au ciel en compagnie du Métatron, il savait qu'il n'y avait plus rien pour lui.

Comment cet... imbécile d'angelot avait pu penser qu'il viendrait avec lui ? Et il ne voulait pas désespérer d'avoir une chance de lui parler. Sa main se serra sur la clé de contact et il démarra.


══════⊹⊱❖⊰⊹══════

 

 

La pureté des anges file un mauvais coton. Qui pourrait bien penser que pourrait se trouver ici ce genre de sous sol dépravé. Le paradis aussi a besoin d'exutoires. Pas de nom, pas de visage. Ce qui se passe ici meurt au-delà des murs. Un consensus commun, accepté. On sait, c'est tout, comme tout le monde sait si bien le faire, on prétend la perfection en sachant que demain c'est là bas que l'on ira noyer sa rancœur.

Les anges ne parlent pas. Les anges sourient.

Il fut extrait de ses ruminations par le claquement brutal que fit la porte derrière lui.

 

"Dear!"

 

Il ne s'entendit pas articuler le moindre son, ni se sentit se tourner si vite qu'il fit valser sa

boisson sur le comptoir crasseux.

Le liquide se déversa sur la surface rigide et suivit la surface du meuble jusqu'au sol dans un

silence creux. Un client avait repris ses esprits et avait quitté ce navire en naufrage. C'était tout. Pourquoi l'attendait-il ici.

Il l'avait laissé là bas.

Non.

 

Il avait plongé droit dans ses yeux. Tellement loin qu'il aurait pu revivre leur propre film en un battement de cœur. Il avait plongé droit dans ses yeux et il l'avait laissé là bas. Juste comme ça. Il avait voulu dire au-revoir, dire combien il tenait à lui, combien il comptait sur lui, combien il voulait rester toujours à ses côtés comme ils fonctionnent si bien.

Rien n'était sorti.

Ça avait été si soudain qu'il n'avait même pas essayé de le retenir. Une sidération fauve avait zébré tous ses os et figé ses moindres muscles dans un blizzard acide. Et il était parti.



══════⊹⊱❖⊰⊹══════


 Sa main serrée sur la clé partie en arrière et il poussa un grognement de frustration. Il avait la sensation de bouillir. Que son sang se transforme en feu et explose au-delà de ses veines. Quelques jours avaient passés pourtant ! Non. Plus. Quelques semaines ?

Crowley n'avait plus le compte de ces minutes qui s'écoulaient, il les perdait régulièrement comme il oubliait tous ces visages. Mais en voilà un qui ne cessait de refaire surface.

Et lorsque le poivrot surgit des tréfonds du Pub, il crut voir Aziraphel. Un soupir tendu souleva ses épaules et son front se posa contre le volant.

 

Qu'est ce que cela changerait d'y aller ? Il ferait mieux d'aller dormir quelques centaines d'années de plus et peut-être qu'avec le temps il oublierait. Il oublierait son erreur et la sienne. Mais d'un autre côté... Il était là. Il était revenu.

Il avait abandonné sa position au consulat du ciel pour refouler la terre. Était-ce pour lui ?

Ou pour sa librairie qui devait lui manquer ? Crowley n'avait pas osé y remettre les pieds.

 

-Oh. Puis zut.

 

Pesta le démon, il ouvrit sa boîte à lunettes et desserra les branches de ses dents pointues avant de quitter la Bentley. Et s'il repassa de longues minutes à contempler l'enseigne du Pub en trépignant, il se décida finalement à rentrer.

Dévaler lentement de sa démarche serpentine les marches étroites qui l'avalaient dans la semi pénombre. A sentir la présence de l'ange envahir chaque petit recoin, sa lumière se poserait en strate sur la poussière.Et ses sens ne l'avaient pas trompé. Il était là. Il aurait pu être n'importe où sur cette terre qu'il aurait accouru. Et il s'en voulait presque d'être aussi fidèle.

Et soudain Crowley eut envie de faire demi-tour. Il avait déjà fuit, plusieurs fois, par peur de souffrir.

 

Car le démon l'avait embrassé sous l'impulsion. Ça avait été une erreur. Son erreur. Le cœur battant, il était parfaitement immobile et tourna le dos au comptoir. Par où commencer ?


══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Il n'arrivait pas à être saoul. Malgré les quantités astronomiques qu'il avait ingérées, son cerveau imbécile ne daignait pas altérer sa réalité. Pas suffisamment en tout cas. Il estimait qu'à moins de 16 doigts par main, il était encore trop conscient.

Et il n'en était qu'à 12. La scène se jouait en boucle dans son esprit désorganisé.

Pourquoi diable cet idiot avait il agit ainsi, pourquoi maintenant, pourquoi comme ça,

pourquoi si soudainement... Ça n'était pas foncièrement une surprise. En fait, à y repenser, la suite des événements était on ne peut plus logique et cette conclusion parfaitement cohérente.

 

Mais pourquoi fallait-il que ce soit là…

Et pourquoi fallait-il que sa réaction fut si vive?

Il lui en voulait encore. C'était légitime. Crowley était un sombre idiot. Seulement, ce geste

n'était pas fondamentalement intolérable.

 

C'était en fait... Plutôt l'inverse.

Il rejoua encore la sensation qui l'avait traversé à ce moment-là. Ce qui s'était dissimulé entre la colère et la surprise. Un soulagement. Un réconfort amer. Et une tendresse immense qu'il avait toujours nourri. Il sentit une chaleur diffuse se propager dans ses joues. C'était l'alcool bien-sûr. C'était forcément ce gin.

 

Maintenant il aurait voulu tracer les courbes de sa mâchoire. Maintenant c'était trop tard. Il aurait voulu lui hurler dessus si fort que l'apocalypse elle même en aurait tremblé. Puis il aurait voulu cartographier sa peau, marquer son souvenir si fort que ça n'eut plus jamais l'air d'une pensée volée.



══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Soudainement, il avait la sensation d'être invisible. Planté là, au milieu du pub, si présent et si lointain à la fois. Le dos d' Aziraphale tombait dans une courbe étrange, un peu moins droite que d'habitude. Il avait toujours eu cette manière de se tenir, à vouloir trop se grandir pour des yeux qui ne le considéraient pas. Mais lui, il le voyait. Même sombrement alcoolisé, il le voyait.Hésitant, Crowley ferma les yeux sous les verres fumés de ses lunettes et s'avança jusqu'au comptoir et s'assit.

 

Il était à 3 bons sièges de distance de l'ange. Il n'aurait pas su décrire ce qui le traversait en cet instant. Une immense culpabilité et une colère sourde. De la confusion, aussi, beaucoup, le genre qui le laissait avec un sale sourire insolent pour masquer la peur de ne pas savoir. De ne pas comprendre.

 

-Tu te soûle maintenant ?C'est nouveau.

 

C'était faux car en l'instant, il n'était plus sûr de le connaître. Il n'osait pas regarder son visage, presque de peur de le voir changé.


 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════

-Si seulement...

 

Sa voix se perdit, assourdie par le silence épais qui traînait sa carcasse entre les meubles poussiéreux. Il lui fallut plusieurs secondes pour imprimer cette voix légèrement caleuse qui se loge droit dans sa poitrine. Son cœur manqua un battement. Il lutta contre tout son corps, d'une volonté qu'il tira du plus profond de son être pour ne pas se jeter vers ce mirage qui s'était approché comme un chat.

 

Un vieux félin pas si sage. Toujours tapis dans un coin, ce genre d'animal que vous ne surprendriez jamais à ronronner mais qui connais le chemin qui mène au pas de la porte, et ne connaît qu'une maison.

Il ne sentit pas filer ce mot entre ses lèvres sèches d'avoir bien trop bu:

 

-Crowley?

 

Son timbre était presque plaintif. Il voulut reprendre ce mot et la faiblesse dont il faisait preuve. C'était beaucoup trop tard. Sa seule présence avait balayé toutes ses résolutions d'un revers de la main. Il était seulement soulagé.

 

Il vérifia ses mains, cherchait avec ardeur une preuve de sa réalité. Il devait se prouver que le démon qui se tenait à deux pas n'était pas un spectre formé par son esprit légèrement brumeux.

Mais il y avait cette odeur.

 

Cette odeur âpre, à peine sucrée, teintée de souffre, une odeur sèche et familière que rien

n'aurait pu inventer. Il aurait voulu parler. Ailleurs. Loin. Dans un lieu confortable qui n'était pas le sien. Leur territoire commun. En terrain neutre.

 
Parler de quoi. De sa rancœur qui tapissait encore son estomac? Du soulagement que sa présence venait de combler tout son être? Tout se bousculait d'un coup. Il n'avait jamais été aussi lucide et les émotions superposées créaient un brouhaha insupportable dans son esprit. Crowley était si proche... Et lui semblait hors de portée. C'était probablement ça le plus douloureux au fond. Et l'ange désespéré ne parvenait pas à trouver le comportement adéquat à cette situation fauve.


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MessageSujet: Re: Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes   Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes EmptyLun 25 Déc 2023 - 14:23



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Snakes and Angels





Feat Pan




 

 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════



Crowley croisa ses longues jambes qui tenaient à peine sur le tabouret, serrant ses doigts
sur la surface crade du comptoir. Son regard se porta sur le Barman qui lui demanda ce qu'il voulait et il répondit d'une voix sèche et grinçante "Du vin. Rouge." Et le pauvre homme lui adressa un regard soucieux avant de disparaître à l'arrière. C'est qu'il n'était pas serein face à cet étrange nouveau venu aux lunettes fumées.
 

La jambe du démon s'agitait de nouveau. Aziraphale était si proche. Et il le regardait. Mais
aucun des deux ne parlait alors le silence qui s'installait commençait à largement lui taper
sur les nerfs et lui faire reconsidérer sa bien belle décision.
 

-Rhmf... Alors. La terre te manquait ?
 

Le serveur lui apporta un verre et la main de Crowley se porta à la surface lisse qu'il effleura, laissant son regard sous ses lunettes se perdre dans le liquide. Il était figé. Froid. Mais Satan seul savait à quel point son cœur menaçait d'exploser.
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Comment la terre pouvait-elle seulement lui manquer. Elle n'avait strictement aucun intérêt. Aucun sinon qu'elle avait été le théâtre de leurs rencontres multipliées. Il ne savait pas si c'était la rage ou la douleur qui morcelaient sa voix pâle, mais elle menaça de se rompre quand il cracha, accusateur:
 

-Tu n'avais aucun droit. Tu n'avais aucun droit de faire ça!
 

Il marqua un temps, non pour accentuer ses dires mais pour reprendre un souffle laborieux qui lui manquait cruellement.
 

-Comment as tu pu, comment as tu osé?!
 

Son partenaire était vissé à son siège, incapable du moindre mouvement. Il était si étrange de le voir ainsi. Muet. Écrasé par sa colère immense. Ses lèvres s'entrouvrirent comme pour laisser encore s'échapper un son grave mais la sidération le saisit. C'est ce moment que choisit le serveur pour poser devant le démon, son verre à demi plein.
Sa robe terne ne reflétait même pas les néons fatigués.
 

S'il ne l'aimait pas autant, il le lui aurait jeté à la figure. Ou craché au visage pour faire cesser cet air prétentieux. Il savait cependant qu'il ne serait jamais capable d'un tel geste mais le fantasme lui permettait de soulager quelque chose au fond de sa poitrine. Il se contenta de saisir le verre et d'engloutir d'un coup son contenu sucré.
C'était presque trop. Cela lui brûla la gorge.


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Crowley poussa un petit cri outré lorsque l'ange empoigna son verre pour vider son contenu d'une traite. UNE. SEULE. TRAITE.

Complètement outré, Crowley s'était levé de son tabouret. Jamais en 6000 ans Aziraphale ne s'était comporté aussi abruptement. Il avait laissé tomber tous ses beaux enrobages, ses paquets dorés et mielleux à n'en plus finir. Et il était en colère. Mais au moins, il le regardait. Il le regardait.

Crowley claqua sa main contre le comptoir et fit un tour d'un pas nerveux avant de revenir, la mâchoire aussi contractée que ses sourcils. Il défia un instant l'ange du regard avant de se laisser retomber sur son tabouret. Sa main passa sur son visage et pinça l'arête de son nez. Ses doigts soulevèrent légèrement ses lunettes dévoilant ses yeux rouges et fatigués.
 

-Je suis désolé.

Il l'était. Il l'était réellement.

-Si tu savais à quel point je me repasse ce moment encore. Et encore. Et encore. Je... je ne comprends pas.

Il inspira, sa langue fourchait légèrement lorsqu'il était nerveux. Ses instincts primaires de reptile au sang froid reprenaient le dessus. Mais seulement parfois.
-M'avais-tu seulement écouté ? M'aurais-tu suivis si je ne l'avais pas fait ?
Son ton s'était légèrement adouci l'espace d'un instant. Et comme si un détail fugace l'avait transpercé il hoqueta.
-"je te pardonne."

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Cette dernière phrase résonna longtemps. Elle fit frémir les murs du pub et trembler les palissades forgées autour de sa volonté seule. Il réalisa seulement combien il avait été dur. C'était tellement acide. L'ange était tiraillé entre l'envie de se lover contre son interlocuteur et se conforter dans cette odeur musquée qui tapissait toute sa silhouette et cette de claquer la porte du pub pour disparaître dans les rues désertes pour seule réponse. Il articula en échos:

-Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas.

Et c'était vrai. Sa voix friable oscillait dans sa gorge, il lui était de plus en plus laborieux d'expirer des sons audibles. Il inspira douloureusement, chaque minuscule quantité d'air amassée dans ses poumons le brûlait de l'intérieur. Il était incendié. Il avait la certitude que ses entrailles n'étaient plus que des cendres désormais.

-Je te faisais confiance.
 

Quelques secondes s’étirèrent. Il leur sembla à tous deux, immortels, que cette fois le temps s'était figé, qu'il n'en restait que des miettes, éclaté en fragments et qu'entre eux s'était fait une muraille que lui-même ne saurait éroder. C'est l'heure de fermeture qui finit par les tirer de leur torpeur. Sans nul endroit où aller, ils réalisèrent tous deux qu'ils marchaient d'un même pas dans la nuit tardive que l'aube léchait par endroit.

   ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Silence. Bien trop rempli de toutes leurs pensées. Elles fusaient dans l'air, éclataient tout, rendaient l'atmosphère plus lourde. L'air frais qui balaya la joue de Crowley lui fit du bien. Il se sentait étouffé dans ce pub, il n'avait jamais aimé les endroits trop fermés.

Il aimait savoir quand et où il pouvait fuir.
Et là, ils auraient pu se séparer. Ils auraient su que c'était la dernière fois qu'ils se voyaient, si celle d'avant n'était pas si évidente. Crowley songeait, que peut-être, Aziraphale était venu pour avoir confirmation. Que lui n'en valait peut-être pas la peine. Il ne l'avait jamais valu.

Pas autant que sa foi en Dieu qui surpassait tout. Et le démon serait tombé une deuxième fois en enfer pour avoir songé "je suis jaloux de Dieu. Tu lui as tout donné et tu ne m'as rien laissé."

Mais non. Crowley n'était pas parti. Aziraphale non plus. Il marchait d'un même pas, le démon se calant sur sa mesure en prenant garde à ne pas le dépasser de trop. Toujours rester légèrement en arrière pour surveiller ses arrières. Mais il... n'en avait plus besoin. Il était Archange. Et lui, un démon indigne de confiance. L'amertume n'était que couverture pour une pensée plus sombre. Il s'en voulait. Il voulait s'excuser. Encore et encore. S'excuser d'avoir voulu plus sans demander. De sauter un pas que lui seul a été à franchir. Crowley pourtant si sûr de lui se sentait en cet instant bien petit. Et pourtant. Il était toujours là. Les rues brumeuses de Londres. A peine éclairées sous la bruine fine.
 

Parler. Parler. Maggie lui avait dit pourtant. Vous ne parlez pas. Pas assez. Il avait été trop présomptueux de croire qu'ils se comprenaient. Mais ils n'avaient jamais parlé des choses sérieuses. Jamais. C'était dur à faire sortir. C'était plus d'en rire. De montrer l'affection en action. Mais parler...

- Tu te souviens, lorsque je créais la toile de l'univers ? Tu m'avais dis que les étoiles ne servaient qu'aux hommes à les contempler.

 Sa voix sonnait creux. Il parlait rarement et aussi sérieusement. Il se tortilla, mal à l'aise, renifla bruyamment et poursuivi

 -Je n'y ai pas cru. Jamais. Je pensais qu'elles brillaient pour elles-mêmes. Mais je... maintenant... Je ne sais plus Aziraphale.

 Son propos était il incohérent ? Il s'arrêta. Il se sentait stupide. Stupide de parler. Il avait envie de disparaître. Il n'avait cessé d'y songer.

-Est-ce qu'elles continueraient d'exister sans les hommes ? Je veux dire. Si personne ne les regarde. Si Dieu ne le voulait plus.

  ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Un temps passa. Puis un autre. Sans que nulle n'ose interrompre le chant de leurs respirations désordonnées. Un long moment se perdit dans le matin qui grondait comme une chienne aurait défendu sa portée mourante. Avide, craintive, puissante.

-Les étoiles meurent sans les hommes. Et naissent dans leur indifférence.

 C'était ce qu'il avait appris à ses dépens. Il Aimait les humains. Profondément. Pourtant, il ne parvenait pas à savoir si après tout ce temps il les aimait. C'était. Étrange. Il réalisa combien c'était facile de marcher avec lui. Combien ils étaient accordés. C'était agaçant. Pourquoi fallait-il que ce soit toujours lui.
Il s'assit sur un banc que la rosée avait perlé de sueur fraîche pour faire taire ce constat.

-J'aurais voulu te suivre. Je ne sais pas si j'en aurais eu le courage ou la force. Mais j'aurais voulu. C'est facile avec toi.

L'ange regretta instantanément cette confession. C'était trop tôt. Trop tôt pour tout ça, pour créer des ponts et abattre leurs frontières. Il voulait le punir, le tenir à distance au-moins autant qu'il souhaitait recouvrir ce qui avait été perdu. Il expira en un souffle fébrile, pressant assez fort sa tempe gauche pour marquer sa peau d'un halo carmin sous la pression de son pouce. 

-Je t'écoute. Je t'écoute cette fois. Je regrette de ne pas avoir été ce que tu attendais de moi quand tu en avais besoin. J'ai toujours cru que tu étais plus stoïque. Que tu n'avais pas besoin, alors je t'écoute.

Il remercia l'alcool pour le courage que cette effluve lui avait octroyé. C'était plus facile. Au-moins un peu. Il regrettait déjà ces mots qu'il aurait été incapable de lui exprimer dans un autre contexte. C'était étrange. Après ces milliers d'années passés à ces côtés, il se sentait incapable de tout cela. Il enviait soudainement les humains et leurs élans spontanés, leur absence de crainte, leurs relations sans la moindre muselière. Sans doute aurait-il préféré savoir, apprendre. Alors peut-être n'auraient-ils jamais créé une telle fêlure dans ce qu'il pensait inébranlable.



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Sa réponse le piqua d'abord. Il n'exprima rien. Son visage était fermé, comme bien souvent. Elles naissent dans l'indifférence. Était-ce le cas pour les deux immortels ? Eux nés sous le joug d'un dieu. Eux qui avaient pourtant sauvé l'humanité entière.
 Dans ce réflexe aussi vieux que le monde, Crowley s'assit à son tour, étendant ses genoux vers l'extérieur et son bras sur le bois humide du dossier.

Sa deuxième réponse le troubla et il tourna vivement la tête vers lui, les sourcils haussés de surprise. De ce revirement. Facile. Facile. Ça n'avait pas toujours été facile pourtant. Mais après tout ce temps, lui aurait cru l'évidence. Et la troisième l'aurait fait tomber du banc. Crowley inspira vivement, agité, roula la tête à gauche à droite et se pencha sur ses genoux pour serrer ses doigts.

-Qu'est-ce que tu ne comprends pas chez moi ? Je sais que je ne suis pas toujours si clair.

Mais on a toujours fini par tout résoudre, trouver des terrains d'ententes, des endroits ou nous étions bien, ensemble. Léger silence planant. Il parlait trop. Ça sonnait faux.

-Pour toi... Je pensais que tu avais toujours voulu la même chose que moi. Que tu aimais la terre autant que moi. Mais non, je me rassurais seulement. C'était MA volonté. MON désir. Je te l'ai imposé sans même essayer de... de comprendre pourquoi tu voulais partir.

Il se tourna vers lui, son visage plus adouci, sa voix plus fébrile. Ça lui avait semblé clair comme le ciel, qu'ils ne retourneraient pas là-haut, chez ces dictateurs des bons vouloirs.

-Qu'est-ce que tu pensais trouver là haut, mon ange ?



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C'était en fait une question qu'il avait choisi d'écarter bien des siècles plus tôt. Il voulait ce que les anges avaient toujours souhaité. Le bien être de la création de leur Dieu. Leur paix, la justice, quelque chose qui permette de donner un sens à cette mascarade.
Faire ce pourquoi il avait été conçu et ce malgré l'absence de reconnaissance qu'on lui avait toujours témoignée.Il était naïf. Pas stupide. Il savait reconnaître la maltraitance de ses pairs, seulement, c'était plus fort que lui.

-Tu ne t'es jamais senti attiré? Comme un aimant introduit dans ta poitrine, quelque chose qui te rappelle toujours là bas?
 

Il se mordit la lèvre si fort qu'il préleva du sang. Il regretta cette supposition à la seconde où les mots filèrent hors de sa bouche. C'était idiot. Ça faisait si longtemps. Crowley ne répondit pas. En tout cas pas suffisamment rapidement pour lui laisser le temps de glisser dans le matin amer:
-Ça ne pourra jamais redevenir comme avant, n'est-ce pas?

Il laissa passer quelques secondes, brutalisa la peau qu'il pressait sous ses doigts depuis ce qui lui semblait une éternité, souffla bruyamment et découvrir des croissants de lunes apparus sur son épiderme, juste à l'endroit où ses mains avaient voulu pénétrer dans son bras. Il bascula sa tête en arrière et après avoir rassemblé le courage que ce gin lui permettait encore il expira d'un coup.

-Je voudrais que, la prochaine fois, tu attendes. Je te le demanderai.



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-Attiré ? Allons bon. Les démons ont plutôt tendance à craindre le ciel.

Il avait soufflé du nez sans sourire, les yeux perdus dans le vague de st James park. Dans cette brume légère sous l'Aube qui se levait à peine. Et les éternels canards, fines silhouettes naviguant dans les eaux encore noires.

-J'ai dis... Regretter d'être tombé. Mais je me disais que ce n'était pas si mal, sur terre, avec toi. C'était loin d'être un enfer.

Parler au passé lui faisait du bien, étrangement. Il avait la sensation de ne pas être, tout simplement. Pas être là, dans cette situation qui ne lui offrait aucune perspective. "Ça ne pourra jamais redevenir comme avant". Assombri, il resta silencieux à cette question qu'il savait rhétorique.

-Ce n'est pas la première fois que tu me dis ça. Ça ne l'a plus été depuis l'armageddon.

Soupira t-il avant de se raviser. Il savait bien qu'il ne parlait pas de ÇA.

 -Je suppose que non. Mon erreur est monumentale. Une éternelle fêlure dans la lentille.

Il remarqua qu'Aziraphale se faisait mal, il était trop nerveux. Il voulut prendre sa main mais s'en empêcha. Il ne le toucherait plus. Jamais. Et puis l'ange reparla, chaque mot semblait lui coûter. Comme ce jour-là, le regarder semblait si douloureux. Mais il n'avait jamais été là pour le faire souffrir. Alors... Ça le surprenait. Il mit un instant à comprendre de quoi il s'agissait et son regard caché sous ses lunettes se tourna vers Aziraphale, surpris. Il ouvrit la bouche. La referma. Avant de se pencher sur ses mains qui s'étaient liées, fermées.

-D'accord.

Un léger silence plana et il déglutit.

-Tu sais qu'il n'y aura sûrement pas de prochaine fois, pas vrai ? Maintenant que tu es là-haut, que je ne suis pas venu avec toi. Et je ne compte toujours pas le faire ou-par Satan j'étrangle le Métatron moi-même (même s'il n'a pas de cou ce n'est pas pratique). Le ciel ne le tolérera pas. Il ne l'a jamais fait. Il n'y a plus de nous. Alors non... Ça ne reviendra pas comme avant.



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  ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Ce qu'il pouvait être pénible quand cet imbécile feignait de ne pas le comprendre pour éviter une question.

-Avant ça. Bien avant ça. Et tu sais exactement ce que je sous-entends.
-Tu sais que tu ne seras jamais ma priorité. Tu sais que tu ne seras jamais mon univers ou quelque soit ce genre de...

 Il marqua un temps à la recherche d'un terme qui ne soit pas trop révoltant. Quand il resta silencieux suffisamment longtemps pour considérer cette tentative comme un échec, il poursuivit:
 
-Ce n'est pas tout ce que j'ai toujours souhaité. Pas exactement, ni comme ça, ça l'est assez seulement. Je ne sacrifierai jamais cette partie là. J'aurais aimé que tu la vive avec moi, tu ne seras jamais la seule chose qui importe. Jamais. Tu ne me suffira pas Crowley.

Il s'était toujours effacé avec les autres. S'était métamorphosé, acculé contre les murs, caméléon désorganisé à essayer de tordre tout son corps pour suivre ce que l'on lui demandait. Avec lui, jamais. Il avait eu sa place. Il l'avait prise, l'avait proclamée. Toujours. Entier.

Une place qu'il n'avait eu ni à défendre ni à gagner. C'était juste comme ça. Et il refusait de perdre ce statut, non pour la satisfaction d'être pleinement, mais pour le respect qu'il avait construit envers lui pour être avec ce démon agaçant. Sacrifier cela n'était pas se sacrifier lui mais ce qu'il aimait dans ce qu'ils avaient. C'était intolérable.

Une conversation lui avait-elle jamais fait aussi mal?Il ne parvenait pas à se remémorer une telle douleur, c'était comme si tout en lui avait été aspiré dans un néant absolu, comme si plus rien n'existait alors. Qu'il n'y avait même pas de place pour la cendre tant le vide avait pris possession des lieux. La détresse de Crowley, la fatalité de son ton... La menace à peine voilée contre cette ultime phrase...
C'était tellement trop.

Il ferma les yeux si fort que ses paupières auraient pu se rendre, se briser sous la pression exercée par la rage et l'impuissance.



  ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Ah. L'ange avait toujours les bons mots qui brûlaient. Il n'avait pas toujours été sincère, il lui avait menti tant et tant que Crowley avait appris à déceler. Et là... il disait bien ce qu'il pensait. Tant mieux, c'était pour cela qu'ils étaient là. Rien d'autre...

Crowley s'agitait, piqué d'entendre ce qu'il savait. Qu'il n'avait jamais été sa priorité comme lui avait été la sienne. Entrer dans des Églises, trahir son camp encore et encore et encore jusqu'à en être banni, le suivre, le protéger de ses actions foncièrement trop bonnes même pour le ciel. Réparer ce qu'il continuait de ressasser.
Surtout pour toi.

Un petit hoquet éraillé franchit ses lèvres et il ferma obstinément les yeux sous ses lunettes. C'était douloureux. Étouffant. Il aurait voulu ne jamais avoir à contempler à quel point il était faible face à Aziraphale. Il avait toujours concédé. 6000 années. Et il était épuisé. Il n'avait jamais voulu que Aziraphale ne lui rende... quoique ce soit.
Il avait toujours fait en sorte qu'ils se trouvent sur un pied d'égalité. Les terrains neutres. Les faveurs de l'un à l'autre constamment rendues. Et Crowley aimait voir son sourire, les étoiles qu'il avait peint sur la toile du ciel rayonne dans ses yeux. Tout semblait si terne en comparaison.

-Moi non plus mais...

Il s'était légèrement penché en arrière, avait retiré ses lunettes qui reposaient mollement au creux de sa main. Ses yeux serpentins étaient rouges et cernés. Il renifla et tourna la tête de l'autre côté, essayant vaguement de se concentrer sur la silhouette d'un arbre qui s'éclaircissait dans les premières lueurs.

-Je suis vraiment épuisé.

Il laissa filer un petit silence avant de ricaner, ses doigts se serraient nerveusement entre eux, comme essayant de craquer une allumette invisible sur sa peau.
-Je... ne sais pas où aller. Je sais que ce n'est pas à toi de me le dire. On a toujours bien vécu à se rencontrer aux fruits des expériences humaines.
 

-Je pensais que lorsque j'avais perdu mon appartement, tu m'accueillerais chez toi. Mais en réalité... Ça ne me surprend pas que tu ne l'ais pas fait. Ce n'était peut-être pas si évident. J'aurais dû demander. 
Il inspira.

-C'est trop tard. Je ne sais pas où aller si je n'ai nulle part où t'attendre... Est-ce tu te plais là haut au moins ? Ils ne te mènent pas la vie dure ? Et ils ne passent pas des chants célestes à longueur de journée ?



   ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Je n' ai nulle part où t'attendre.
Il n'avait pas pensé un instant qu'une phrase puisse le transpercer de toute part. Et pourtant. Comme il avait mal. Il ne savait plus rien, il était perdu, il voulait disparaître et le serrer contre lui, lui dire qu'ils s'en sortiraient, comme toujours. Mais il n'avait plus les mots.
Nulle part où l'attendre.

Il n'avait jamais réalisé qu'il était aussi son lieu. Pourquoi ne l'avait il pas accueilli d'ailleurs. C'était idiot. Il ne comprenait plus, c’était complètement absurde, tout se bousculait dans son crâne en chaos.

Sa dernière question acheva de le déstabiliser. Il manqua d'échapper un "oui" un peu acidulé. Ce genre de réponse qui se doit rassurante pour une situation que chacun sait inconfortable. Il se ravisa immédiatement. Pour toutes ces années, pour toute cette douleur, il lui devait au-moins cela. Il grinça en un rire forcé glissé entre ses dents serrées.

-Bien sûr que non. Tu le sais bien.
 

Il ne savait comment élaborer. Ça n'avait pas de sens après tout. Chaque jour serait le même. Voilà l'éternité. La réalité le frappa d'un seul coup. Il assena pour lui même, un éclat brisé dans sa voix qu'il tentait de maintenir. Mais tout était fébrile.

- Je n'y arriverai pas sans toi.

Et c'était vrai. Même si le mot était faible et avait déjà été tellement ratissé, labouré, épuisé qu'il n'avait plus de sens.

Il lui en redonnerait un. Malgré tout cela ne serait jamais suffisant. Il aurait pu jurer de le scander un millier de fois chaque jour pour les 6000 prochaines années, jusqu'à briser sa gorge, ça ne suffirait pas, il n'y aurait jamais réparation.

Il avait toujours trouvé arrogante cette maxime humaine utilisée comme joker de séduction adolescente. Cependant il se demanda s' il n'y avait pas dans ces mots quelque chose qui avait été conçu par ce visage. Alors Dieu aurait placé en cynique toutes les étoiles d'un ciel leurre dans les yeux d'un ami. En torrents sans remous sur le point de se rompre. Quelle ironie alors. Il lui était insupportable de tenir ce regard mais impossible alors de s’en détourner. Il avait voulu saisir cette main osseuse et embrasser ces phalanges serrées. Il aurait voulu avoir le courage de ce démon. Envoyer valser le monde d'un revers de la main, rire au visage de l'autorité et tracer une route tellement loin de ce sui avait été réclamé. Il aurait voulu que rien de tout cela ne soit arrivé.

Il ne se reconnaissaient plus. C'était comme si l'un l'autre avaient glissé un bout d'âme dans le corps de l'autre.

Mais c'est là le lot d'une telle cohabitation non? On n'en ressort pas indemne. Le matin étiré commençait à accueillir des âmes. Des silhouettes étrangères, malvenues dans leur microcosme qu'ils auraient souhaité éternel.



   ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


La voix d'Aziraphale tremblait, Crowley l'avait rarement vu aussi troublé. Amèrement il songea qu'il aurait dû s'en faire le jour où il l'avait abandonné. Il avait voulu disparaître mille fois depuis cet instant et c'était toujours le cas. Mais... ils étaient là, tous les deux, Aziraphale aussi. Il savait que s'il restait, ils se recroiseraient. Mais à quel prix ? C'était plus douloureux qu'un bain d'eau bénite, ça au moins c'était rapide.

Il ricana un peu à cette pensée et passa ses doigts sur son visage émacié. Ils roulèrent contre ses yeux, appuyant sur ses paupières pour contenir ces larmes amères qu'il n'avait jamais montré. Ou peut-être que si, ça n'avait jamais été plus loin qu'un bref larmoiement.
Sauf, cette fois-là, à la librairie.

-Ta... Librairie va bien. J'y ai fais attention. Il n'y a pas plus de poussière que d'habitude si tu me demandes.

Il avait poursuivi sa parole creuse, il ne pouvait pas ignorer celles de l'ange mais il ne savait pas comment réagir. Pas maintenant. Il serra les dents, puis le poing, pressant ses ongles contre sa paume avant de relâcher. Il se releva brusquement en soupirant.

-Rien n'a bougé, en réalité. Rien du tout.

Il tourna le bout de sa chaussure sur le gravier. Sa voix avait tremblé et il tourna la tête pour éviter son regard.

-Par Satan. Je vais le regretter, je le sais.

Siffla t-il entre ses dents avant de se retourner vivement vers Aziraphale.

-Je te pardonne.

Voix blanche, matin pâle. La fin de sa phrase résonna dans le vide, sa main se serra contre sa chemise mal fermée.

-Ma proposition... Elle tient toujours. Je te l'ai demandé, encore et encore et je peux le refaire. Viens avec moi, ne retourne pas là-haut.
 

Ses épaules se soulevaient lourdement, son visage se tordit un peu, comme de douleur. Ça le mortifiait. A chaque demande, il le voyait s'éloigner un peu plus. Était-il trop désespéré ? Trop pressé ? Cela faisait 6000 ans.
Comment cela pouvait-il être trop hâtif ?

-Non. Rien. Oublie.



 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Ah. Il avait pris peur. Il tremblait, ses mains s'enfoncèrent dans les poches de son pantalon et il renifla bruyamment dans une vaine tentative de reprendre consistance. Crowley commença à s'éloigner. Il fuyait ! Il se sentait lâche mais dans le fond, ça ne changeait rien à sa nature. Il avait été écrit pour l'être. 

Sa... Librairie? Après tout ça, il était encore allé là bas? À sa recherche? Comme un criminel reviendrait toujours sur les lieux du débâcle? Sans savoir vraiment pourquoi, traîner une carcasse lourde dans un monde qui aurait trop vécu pour délester ses os d'un poids envahissant. Peut-être. Il y avait soudain trop de bruit, trop de visages à basculer dans cette aube écartée, tellement lumineuse d'un coup. Trop pour réfléchir et il détestait ça.

Rester sur terre... Pourquoi? Qu'y avait-il pour lui ici? Pour eux? Ils les chercheraient toujours. Ils n'auraient jamais de paix. Là-haut peut-être auraient-ils fait une différence. Peut-être que cette fois ils changeraient les choses et la course du temps.
Ils seraient enfin en paix. Sans chercher à lutter, se cacher, confondre leurs pas dans le silence acide qu'il fallait conserver. Garder la tête basse, avoir honte de l'autre et en faire un secret. Il ne voulait pas de ça. Il le voulait à ses côtés.

Vraiment à ses côtés. Il voulait faire valoir les droits du ciel comme ça avait toujours été son but. Et avec Crowley… Ils auraient été indestructibles.
 

Il sentit un filet tiède courir contre sa peau au pardon qu'il lui avait accordé.Il s'en voulait d'autant plus de ne pas être en mesure de résoudre ce déchirement qui l'écartait dans tous ses membres. Il haïssait les compromis, il voulait tout et sans retenue, ils méritaient ça après tout non? Ils méritaient un moment...
Et s'il ne remontait pas... Alors quoi?

-Est-ce qu'on pourrait aller ailleurs?

Il ne supportait plus les gens. Il ne pouvait plus être seul, mais l'agitation, la présence lui étaient devenues insupportables. Il n'y avait qu'avec lui. Seulement lui. Il avait oublié son visage humide, ses traits tirés et les marques rouges sur sa peau. Il avait même oublié que la chair de sa lèvre inférieure était presque à vif. Comme il aimait ces moments avec lui. Comme il regrettait que ce soit le dernier.
Au moins avait-il ce privilège?

On ne sait jamais vraiment que la dernière fois que l'on salue quelqu'un, c'était la dernière fois. On attend un revoir. Comme c'était difficile à envisager.
Il voulait que le temps cette fois se fige pour eux. Rien n'avait plus de sens. Tout était devenu flou. Tout cela avait été si brutal, il n'avait pas envisagé faire face à de tels bouleversements, à racler son monde jusque dans des entrailles, labourer tout au fond. Faire des jachères de ce qu'il avait su.

Et il y avait trop de monde à se presser dans sa tête, c'était tellement de bruit qu 'on ne s'entendait plus respirer. Cela faisait des nœuds insolubles dans sa tête, tout était irrespirable. Un écran de fumée logé dedans ses yeux. Il ne discernait plus son corps, ni même la présence du démon. Rien n'était plus réel et soudain c'était trop.

-Partons s'il te plaît.
 


  ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Le démon n'attendait qu'il le retienne mais c'est lui qui ralentit sa marche. Aziraphale était de nouveau derrière lui, il voulait aller ailleurs. Crowley se retourna vers lui et son coeur se serra à la vision de cet ange au visage fermé par la douleur. Il haïssait le voir souffrir.

Réellement. Il y avait eu des moments difficiles mais les rires, ça lui manquait plus que tout. Son enthousiasme à peine dissimulé lorsqu'il trouvait une idée que lui seul trouvait géniale, ses passions étranges qui laissaient Crowley envieux, lui qui n'arrivait que bien peu à comprendre les hobbies humains.

La nourriture. Les livres. La magie. Les enquêtes. La musique. Les plantes. Il était celui qui lui avait appris à aimer tout ça. Sans lui, ça n'avait plus le même sens, ce n'était pas... Nécessaire.

Il s'en voulait de le pardonner aussi facilement, mais il le voulait prêt de lui. Alors il stoppa sa marche et l'attendit, hocha la tête sans le regarder.

-Où tu voudras, mon ange.
Où il voudra.
Où il voudra. Oui, ça avait toujours été où il le souhaiterait.

Leurs pas les menèrent à la maison de l'un et au refuge de l'autre. La librairie aux vitres teintées de poussière. La Bentley miraculeusement garée devant, remplie de ses babioles et des plantes collées aux fenêtres. Mais à l'intérieur, rien n'avait bougé, les livres étaient toujours en place, aussi intemporels qu'eux.

Le vieux gramophone aux disques empilés, ces dédales d'étagères aux collections d'histoires humaines. Crowley s'affala dans un fauteuil, son fauteuil. Il était resté silencieux durant le trajet, mais en réalité le démon n'avait jamais été très bavard, il était une ombre. Oh il adorait se faire remarquer, en jouer, mais Il faisait peur à ceux qui menaçait leur paix commune, assurait ses arrières. Alors il ne détonnait pas dans ce paysage familier, c'était comme si il avait toujours été là.

-Tu voulais... Me dire quelque chose ? Ne... Pleure pas. S'il te plait. C'est toi, qui voulait partir, moi je n'ai fait que... J'ai essayé de te retenir. Tu sais.

Il fit quelques gestes maladroits de la main, essayant d'élaborer ses paroles. Non décidément, il n'était pas doué avec ça, les mots. Ils ne sortaient jamais comme il le désirait, toujours un peu tordus, déformés.

-Je sais que le ciel a toujours été important, pour toi. Je l'ai toujours su. Je ne le comprends pas et je ne chercherai pas à le faire. Pour moi, qui a été déchu, c'est complètement... Enfin, nous avons déjà eu cette discussion. Seulement... Je PEUX voir pourquoi tu veux retourner là-bas. Mais ce n'est pas mon cas. ça ne le sera jamais.

Il soupira et attira à lui une bouteille

-Mais même la terre, ou l'enfer, tout me semble dénué de sens. Je sais que tu veux en donner un, j'espère que tu y arriveras, sincèrement. J'ai appris deux choses le jour où tu es parti. De un, que je ne voulais plus souffrir comme ça. De deux... qu'on me verrait toujours pour ce que je suis, même si j'ai essayé de te montrer que rien n'était noir, ou blanc, que nous étions toutes ces nuances de gris. Alors...Je ne peux pas te promettre que je serais toujours là, mais... Je peux... Enfin. Je peux t'attendre, Aziraphale.

Où il voulait... Où il voulait n'est-ce pas?



 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════


Il souffla, regrettant a la seconde ce qu'il allait dire, incapable de conserver pour autant ces mots dans sa gorge:

-Où je voudrais, mais pas là bas..?

C'était injuste. C'était injuste et il le savait. Il se mordit la langue suffisamment fort pour sentir perler du sang contre son palais. Il inspira et osa, déçu de son propre comportement:

-Je.. c'était injuste. Je ne le pensais pas, je...

Il repris, tempérant la cadence de sa parole un peu fourbe qu'il ne contrôlait plus.

-Quand j'ai dit que je voulais que tu viennes.. Tu sais, j'aurais seulement voulu...
Voulu quoi de toute façon. Il se flagella intérieurement et lutta un moment contre lui pour achever sa pensée:
-Je pensais juste qu'on aurait pu avoir notre place. Que tu en aurais eu une... Avec moi. J'aurais voulu...

Il ne savait plus vraiment. Ce qui était bon ou non pour lui, pour eux.
Crowley l'avait toujours suivi, écarté, étiré sur ses pas à dessiner son ombre. Toujours là quelque part. Alors pourquoi cette fois refusait il de le suivre? Ça ne faisait pas sens. Il aurait dû être avec lui, choisir de l'accompagner, devenir son bras droit, réclamer sa place d'ange qu'il avait un jour occupée. Il aurait dû vouloir être avec lui. Comme toujours.

Il refusa de confier à Crowley ce reproche. C'était trop fragile et ce moment là… après tout, cela lui suffisait. C'était bien assez. Son cœur manqua un battement quand il l'entendit sa promesse.

L'attendre.
Une satisfaction infecte le traversa de tout son long. C'était tellement égoïste et pourtant, l'entendre prononcer cela l'emplit d'un soulagement coupable. Il se méprisait de sentir aussi heureux à cette confession. C'était tellement injuste. Il ne parvenait pas à réprimer ce sentiment odieux. Un égoïsme à faire pâlir Narcisse sans doute.

Mais il l'attendrait alors? La seule chose qu'il retenait de cette situation était qu'il se retrouverait. Quoi qu'il arrive. Malgré les erreurs accumulées qu'ils avaient tissées tous deux, ils se trouveraient.

Sa librairie était si belle dans le matin. Le soleil tendre perçait au travers de ses carreaux fatigués. Son cœur se serra un peu au constat de la poussière déjà accumulée sur ses précieux ouvrages. L'ange planta son regard dans les yeux de l'homme qui lui faisait face. Dressé dans la lumière à boire une étoile qui se pâmait sur sa chair. Décidément, Dieu était cynique. Une silhouette si proche et à la fois... Il ne pouvait pas l'approcher. La cloison qu'il avait érigée en le repoussant dans ce lieux précis ne pouvait être franchie.

Cela tordit quelque chose dans sa poitrine creuse.

-Tes plantes seraient bien ici.. Il y a de la place. Et de la lumière. Ce sera plus confortable sans doute.

La phrase qu'il expira lui fit du verre pilé dans sa gorge meurtrie:

-Il n'y a plus personne, dans ces murs. Tu pourrais rester…

Il en avait parlé à Muriel. Succinctement. Il l’avait mentionné au moins. Iel était de ces anges admirables profondément honnêtes et tendres. Et puis la librairie serait probablement un peu solitaire pour lui faire découvrir les gens et puis.. Maggie sans doute aurait besoin d’un peu d’aide alors qu’elle se tournerait plus souvent du côté du café…
"rester"

Ce terme là. Maudit. Rester. Il s'en voulut si fort de l'avoir prononcé.
Il aimait tellement cet homme. Ça le frappa d'un coup, une nouvelle fois. Ils se retrouveraient, c'était la seule chose qui lui importait. Il craignait son départ avec une telle force. Ils étaient déjà des étrangers. Que seraient-ils, des mois, des années immiscés entre leurs corps égarés. Il redoutait sa réponse avec une force insoupçonnée. Et si il se dérobait cette fois? Si c'était à lui?

-Quand je t'ai accordé mon pardon la dernière fois, c'était sincère.

Il n'avait pas pu réprimer ces paroles. Il en avait besoin. Il avait pardonné ce geste. Un million de fois. On ne saurait attendre une âme en nourrissant une haine. Il allait espérer son pas sec dans les couloirs épais. Et sa chevelure à suivre les parfums musqués à tapisser les murs. Il savait qu'il serait le visage qu'il attendrait dernière chaque porte. Toujours. Alors il ne pouvait pas conserver la rancœur.



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MessageSujet: Re: Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes   Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes EmptyLun 25 Déc 2023 - 14:33



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Snakes and Angels





Feat Pan




  ══════⊹⊱❖⊰⊹══════



Crowley avait été piqué par la remarque de l'ange mais ne montra rien. Là bas... Non.

Partout. Mais pas là-bas. Il avait été aveugle, Aziraphale aussi. Ils avaient voulu s'entraîner l'un et l'autre dans la vision qu'ils avaient du futur sans prendre conscience de la divergence des chemins qu'ils empruntaient. Et... C'était difficile. Mais le démon pensait avoir été assez ferme à ce sujet. Irrévocable. Et Aziraphale s'excusait.

Avec moi. Avec toi. Nous aurions pu avoir une place.

C'était beau. Mais en pratique, c'est inconcevable. Le paradis était loin d'en être un pour lui, le traître millénaire. Peut-être que créer des étoiles lui manquait, mais elles lui paraissaient bien ternes en comparaison du millier de nuances qu'il avait vécu ici, sur terre. Crowley appuya un peu le bout de sa chaussure dans un défaut du parquet, qu'il avait fait lui-même à force d'enfoncer son talon en s'asseyant.Il attendait la réponse d'Aziraphale avec ce que les humains appelaient la "boule au ventre".

 Et il avait toujours trouvé cette expression étrange. Ce poids étrange qui presse les entrailles, qu'il ne pensait pas ressentir avant de le rencontrer, lui. L'attente d'une réponse.

Il... Ne regrettait pas cette proposition. Il avait tendu une main, de nouveau, comme il l'avait déjà fait. Il ne pouvait pas se résoudre à délaisser cet ange. Il ne saurait que faire sur terre sans lui, l'éternité lui paraîtrait si longue, si lente. Il deviendrait cet observateur étranger, ni bon, ni mauvais, simplement... Plus humain. Mais à quoi bon ? Crowley ferma les yeux, appuyant sa tempe contre son poing serré. Son genou s'agitait en tic nerveux et Aziraphale se tenait là, à observer avec ses prunelles trop brillantes ce décor qu'il connaissait par coeur. Il les rouvrit, ses pupilles réduites à ses deux petites fentes habituelles et il tomba dans le sien.

Et... Il lui fit la proposition. Celle qu'il avait toujours attendu. Son cœur fit un bon dans sa poitrine et ses sourcils se froncèrent dans cette expression étrange qu'il adoptait parfois, mélange de surprise et d'une chose in-identifiable.

Rester.

Crowley se détourna, un peu. Cela le troublait. Ce n'était pas la première fois qu'Aziraphale lui demandait de "rester", mais jamais vraiment ici. Cela s'était toujours fait naturellement, pas besoin d'invitation. Il en aurait aimé une, pourtant, mais il n'avait jamais osé la quémander. C'était un secret.

Rester.

Et partir. Pour aller où, de toute manière ? Il n'y avait nulle part.

-... Première fois que l'on me tente à rester dans la demeure d'un ange. C'est plutôt l'inverse, normalement.

Soupira t-il avec un petit ricanement dans la voix pour dissimuler sa nervosité. Il s'agita un

peu puis finit par se relever pour faire face à Aziraphale. Et c'est là qu'il lui dit. Sincère. C'était... Sincère. L'était-ce ? Le ton dans sa gorge, qui renfermait tout ce mépris, tout ce dégoût. Dégoût de lui, ou de son geste, il n'avait trop su en l'instant. Et oh. Ce regard. Ces yeux. Sa détresse. Il s'était détesté pour ça, il s'était maudit. Il savait qu'aucune excuse ne réparerait l'acte, que le pardon ne pouvait venir que de lui. Crowley ouvrit la bouche, la referma, détourna la tête pour revenir. Sincère. Sincère.

-H..m. Tu n'as pas... Tu n'étais pas obligé.

Marmonna t-il de sa voix légèrement éraillée. Il recula un peu, sentant soudainement le besoin de s'appuyer quelque part. Sa hanche rencontra la petite desserte qui abritait le tourne disque.

-... Je ne ME pardonne pas. Pas pour le moment.

Il inspira.-Tu m'as dit que rien ne durait éternellement. Est-ce que tu y crois encore ? Est-ce que tu vois un futur pour nous deux, Aziraphale ?

Il haussa les épaules.

-Je resterai ici. Si... Dans trois années, tu penses être en capacité de me répondre, reviens me voir. Je t'attendrais. Si... Ce n'est plus mon cas, je ne serais plus là.

Trois années, un battement de paupières pour un immortel, mais pour des entités ayant vécues sur terre, ils savaient que ce n'était pas rien pour une vie humaine.

-Tu dois me faire confiance. Pour me confier tes livres. Mais je ne prêterai pas ma Bentley, n'y compte pas.


 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════



Il expira, amusé à la mention de cette invitation incongrue:

-Eh bien, tu t'es toujours montré talentueux pour m'entraîner dans tes travers je suppose…

Après un temps il ajouta, tranquille:

-Nous n'avons jamais vraiment été... Des êtres conventionnels n'est-ce pas?

Cela n'aurait jamais fonctionné sinon.

Il remarqua l'inconfort qui bascula dans l'attitude du démon qui se tenait encore stoïque sur son territoire aussi vieux que son monde. C'était si familier. Une scène si commune. Ici, toujours. Il fallait que ce soit ici comme si leur univers s'était rétracté à ses murs et n'était plus rien que cela. Une extension de leurs esprits. C'était bon.

 Il n'aurait jamais pensé que la culpabilité le tiraillerait à ce point. Il pouvait la sentir tant elle luttait fort dans sa poitrine. Une bête à gronder dans la gorge fébrile d'un démon. Et il ne pouvait rien contre ça. Quelque soient les mots qu'il puisse tisser en filet de secours, il ne seraient pas suffisant. Ils ne l'atteindraient jamais. Il les traverseraient dans sa chute sans fond. Alors il garda pour lui ces termes rassurants. Ils ne seraient que des spectres. Puis cette question le traversa de toute part. Si Lui avait porté sa couronne d'épines, il était certain aujourd'hui qu'une épée de ronce venait de le traverser dans chacun de ses muscles bandés.

Cela le brûlait. Tellement fort. Un incendie dans sa chair à pétrifier ses os, calciner tout en dedans. Ça faisait tellement mal.Un futur pour eux deux... Il n'en savait rien. Il voulait le réconforter, lui promettre leur monde au-delà de tout et de cette guerre impie entre leurs camps respectifs.. mais il n'en savait rien. Il ne savait plus. Comme il le voudrait.

Il ne pouvait seulement pas lui mentir.

-Tu n'imagines pas à quel point je veux ça. Quand tout sera fini. Quand nous serons tranquilles. Mais cela ne dépend pas de nous, tout est trop grand pour nous punir... J'aimerais que nous soyons humains et te promettre que rien ne serait en mesure de séparer nos routes. Mais je ne peux pas leur faire confiance.

Il soupira douloureusement et affirma, cherchant ce regard qui l'avait toujours rassuré:

-Je veux ça. Avec toi. Toujours. Et je ferai ce qu'il y a à faire pour te promettre cela. Je serai de ton côté.

 

Il espérait que cela lui suffise. Il ne pouvait pas mieux, quand bien même il l'aurait souhaité. Tout était si étrange. Il sentait le sol s'effondrer sous son poids. Il aurait pu traverser ce bois sec et s'écrouler d'un même temps jusqu'aux confins des enfers. C'est ce qu'il méritait sans doute. Pour cette trahison infecte.

Il se sentait tiraillé de toutes part et il maudissait ça. Il se demanda furtivement ce que cela pouvait faire, sentir ses os se briser simultanément et faire une poussière tiède à tapisser ses muscles. Trois ans. C'était... A la fois si court et une telle éternité. Cela faisait si longtemps qu'il ne s'étaient pas quittés sur un tel laps de temps. C'était tellement étrange. Un battement de cœur pour sa propre temporalité et un spectre étiré dans les limbes en écho tant il comprenait déjà la solitude à vivre. Mais il était en contrôle. C'était à lui et lui seul de choisir si ce temps lui serait imparti ou s'il se promettait de le putréfier, et revenir tôt. C'était réconfortant.

Trois ans. Une offre généreuse. Il se promit d'en faire bon usage.

La mention de sa Bentley l'eclaira aussitôt. Sa plaisanterie suffit à créer une brèche plaisante dans son humeur instable. Il manqua d'échapper un fébrile “Je te fais confiance avec ma vie et tu le sais” mais se ravisa à l’instant où la phrase brusqua sa langue. Il partait. Le moment était mal choisi.

- Aucun risque. Si je ne peux pas la peindre, alors à quoi bon ?

-Je n'aime cette voiture que parce que tu es fondu à elle. Sans toi, elle n'a pas d'intérêt.

Il sentit un voile épais s'installer sur ses yeux, juste là, à la frontière du matin:

-Alors, c'est au-revoir ?

Il l'interrogea silencieusement. Il avait tant redouté cela et le remercia intérieurement pour lui avoir accordé ce moment si précieux.

-Crois le ou non... Tu vas me manquer. Je te chercherai dans tous les visages. Je te reviendrai. C'est une promesse.

Tu n’imagines pas à quel point je veux ça…


 ══════⊹⊱❖⊰⊹══════



Crowley secoua doucement la tête, comme en négation, mais rien ne franchissait ses lèvres. Quand tout sera fini. Mais QUOI ? Qu’est-ce qui sera fini, par satan ?! Jamais ils ne seraient tranquilles. Ça n’arrivera pas. Le démon eu une expression contrite, presque douloureuse. Aziraphale avait toujours été optimiste, mais il n’était pas idiot pourtant. Il n’y avait bien qu’à lui que cette vie de secrets convenait. Il le partageait, à deux. C’était unique. L’ange cherchait son regard mais l’immortel avait du mal à lui rendre. Il le releva enfin à sa déclaration. Du moins, sa réponse. Cette réponse qu’il avait souvent espérée sans jamais l’admettre. IL le voulait. Le cœur dans la gorge il inspira et se mordit l’intérieur de la joue, jugulant cet étrange sentiment de satisfaction qui l’envahissait.

Rien…

Rien n’était certain. Et il s’en voulait d’être aussi enthousiaste à ce signe si minime qu’il partageait son affection. Il s’en voulait d’avoir cette faiblesse si grande à son égard, mais elle l’avait toujours possédé. Il y a quelques heures à peine il était ferme dans sa résolution de ne plus jamais le revoir, ni lui faire confiance. Et pourtant, les voilà. Et il aurait aimé, même maladroitement, chercher un peu de contact. Il n’osa pas.

Ses doigts s’écartèrent doucement sur la petite desserte du tourne disque, pressant les fines pellicules de poussières qui s’étaient accumulées. Des peaux mortes. Tous ces résidus qui n’avaient jamais eu de sens pour eux. 3 années… Ce ne serait rien. Du moins il l’espérait. L’enfer était toujours à ses trousses et il serait seul.

Aziraphale raccrochant sa plaisanterie le ramena à l’instant et il songea amèrement que sa Librairie non plus n’avait aucun sens sans lui. Les livres…

Ça ne l’avait jamais intéressé plus que ça. Tout était rangé dans sa tête, même s’il avait de

plus en plus de mal à se remémorer ce qui avait plus de 500 ans. Tout lui rappellerait sans cesse ce qui manquait à l’appel.

-Hm. Certainement

Souffla-t-il en se redressant, un peu vacillant. Voilà longtemps qu’il ne s’était pas senti aussi éprouvé. Crowley s’avança jusqu’à Aziraphale et le dévisagea, sans ses lunettes.

-Croix de bois, croix de fer. Ricana t-il avant d’inspirer brièvement.

-File mon ange, avant qu’ils ne tirent la sonnette d’alarme. Tu es quelqu’un d’important là-haut, maintenant. J’espère que tu trouveras les réponses à tes questions.

Il l’accompagna à la sortie. Étrange, car c’était l’inverse depuis tant d’années. Quelle étrange vision de le voir partir. Un manteau usé et familier, ses quelques mèches blondes et sa démarche nerveuse. Il l'imprimait. Ce n’était pas sans regrets, moins amer que la dernière fois. Au moins… Ils s’étaient pardonnés. Du moins il l’espérait.

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MessageSujet: Re: Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes   Acte I - Les serpents sont muets et les anges a nos portes EmptyLun 25 Déc 2023 - 14:37

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